Stéphane Etroy : Tirer profit des placements privés à long terme
Les taux d’intérêt sont demeurés faibles pendant la majeure partie des dix dernières années dans la plupart des économies développées. Pour les investisseurs institutionnels publics, cette situation a présenté à la fois des occasions et des défis. En effet, le financement à faible coût permet d’investir dans des infrastructures coûteuses, des investissements nécessaires partout dans le monde autant en raison des croissances démographique et économique, que d’années de sous-financement, voire de négligence des gouvernements locaux. Cependant, ces faibles taux d’intérêt représentent également un enjeu pour les gestionnaires de caisses de retraite qui, traditionnellement, ont été très dépendants de leurs portefeuilles à revenu fixe, dont le rendement est étroitement lié aux taux de référence officiels.
« Nous misons maintenant sur la croissance durable des revenus à long terme, les améliorations opérationnelles et la gouvernance. »
La Caisse de dépôt et placement du Québec gère des fonds provenant principalement de régimes de retraite et d’assurance publics et parapublics québécois. Un des plus importants gestionnaires de fonds institutionnels au Canada, elle investit dans les grands marchés financiers ainsi qu’en placements privés, en infrastructures, en immobilier et en crédit privé. Notre marché national est une économie mature avec un bassin d’investissement limité comparativement à celui des marchés internationaux. Les États-Unis et l’Europe constituent pour leur part des marchés importants qui offrent des occasions d’investir dans des sociétés de premier plan. Leurs marchés financiers sophistiqués créent une concurrence intense pour les occasions d’investissement. Dans le cadre de notre stratégie de mondialisation, nous ciblons également un certain nombre de marchés en croissance dans lesquels nous déployons des capitaux graduellement et patiemment, aux côtés de nos partenaires locaux.
Une stratégie à long terme pour des objectifs de long terme
Nous n’avons pas de raison particulière de rechercher les rendements annuels à tout prix. Nos obligations actuarielles sont prévisibles et exigent donc que nos investissements génèrent un bon rendement sur des décennies, plus que sur des années. Cette perspective à long terme permet à la Caisse de maintenir le cap tout au long des cycles économiques et de bien s’adapter aux nouvelles technologies. L’élaboration d’un nouveau produit, service, processus, logiciel ou d’une nouvelle marque est souvent lent et laborieux. Du point de vue des entrepreneurs, des changements fréquents parmi les détenteurs de placements privés sont une distraction pour l’équipe de direction et représentent des frais de transaction importants.
Une stratégie d’investissement à long terme permet de conclure des transactions avec des sociétés qui demandent un investissement important, mais dont la stratégie de croissance est prévue sur plusieurs années. L’innovation, la recherche et le développement représentent d’excellentes occasions de créer de la valeur. En effet, la plupart des entreprises n’ont pas intégré toutes les technologies actuelles, dont elles pourraient profiter grandement. Or, ce processus bouleverse souvent des pratiques établies depuis longtemps et se situe dans des zones où la réglementation est floue. Il s’agit d’une entreprise à long terme. Cette approche demande de voir les choses différemment.
L’équipe des placements privés internationaux de la Caisse ressemble davantage à un investisseur industriel qu’à un investisseur financier. Nous ne misons pas sur « l’arbitrage multiple » (augmenter le rendement en jouant sur la différence entre l’évaluation des multiples d’entrée et de sortie). Notre stratégie de gestion de portefeuille n’est pas non plus centrée sur l’ingénierie financière (utiliser l’effet levier de l’endettement pour augmenter le rendement des placements). L’impact de ces deux pratiques sur une période de détention de dix ans est marginal. Nous misons plutôt sur la croissance durable des revenus à long terme, les améliorations opérationnelles et la gouvernance. En tant qu’investisseur actif minoritaire, la Caisse négocie des droits de gouvernance appropriés selon son niveau de détention.
L’objectif n’est pas de gérer la société, mais d’exercer une influence positive sur l’équipe de direction et les co-investisseurs. Par conséquent, nos partenaires opérationnels sont des membres clés de l’équipe des placements privés internationaux. Ils assurent la gestion du portefeuille, échangent avec les dirigeants d’entreprises et les conseils d’administration, mettent à profit le réseau mondial de la Caisse et pilotent des initiatives de création de valeur. Ce niveau d’engagement accru envers les sociétés dans lesquelles nous investissons et l’implication soutenue qu’il exige ont poussé la Caisse à développer une approche de propriétaire d’entreprise.
Cette approche ne peut être appliquée à tous les types d’entreprises. Une stratégie de mondialisation réussie dépend de la sélection judicieuse des géographies à cibler dans le cadre du déploiement de capital. De même, une stratégie de placements privés réussie dépend de la sélection judicieuse des secteurs dans lesquels investir. Puisque les déposants de la Caisse ont besoin de rendements stables et solides, l’équipe des placements privés internationaux mise sur des sociétés bien positionnées pour tirer profit des tendances macroéconomiques en santé, en technologies, en services financiers et dans les technologies propres. Dans un marché compétitif, un investisseur se doit de se démarquer. Le capital est un produit. À la Caisse, nous nous démarquons en offrant un appui continu aux fondateurs d’entreprises, entrepreneurs, équipes de direction et partenaires financiers à long terme. C’est de cette façon que notre équipe des placements privés internationaux compte réussir et créer de la valeur au cours des dix prochaines années.